« Le 17 octobre 1961, de très nombreux Algériens
franchirent le pont de Bezons. À l’appel du FLN,
ils convergeaient vers le rond-point de La Défense
pour aller manifester à Paris contre le couvre-feu
imposé aux Algériens et Nord Africains. Depuis le 5
octobre, ceux que l’on désigne alors officiellement
comme les « Musulmans algériens », sont en effet priés
de ne pas sortir dans Paris et la banlieue, entre 20 h 30
et 5 h 30.
Entre fin août et début octobre, une série d’attentats
a fait onze morts. Les négociations ouvertes six mois
plus tôt entre le gouvernement français et le
gouvernement provisoire de la République algérienne
(GPRA) sont enlisées. En fin d’après-midi, au moins
20 000 personnes défilent à Paris, sous la pluie. À
partir de 19 h 30 la répression de la manifestation
orchestrée par le préfet de police Maurice Papon est
féroce. Morts ou vifs, tués par balle ou le crâne
fracassé, des manifestants sont jetés à la Seine. Leurs
dépouilles dériveront jusqu’au pont de Bezons, devenu
lieu de mémoire dès la fin des années 60.
L’œuvre de Maurice Papon
Le bilan officiel de cette tuerie est de trois morts et
64 blessés. En 1988, Constantin Melnik, ancien
conseiller pour la police et le renseignement au
cabinet du Premier ministre Michel Debré pendant la
guerre d’Algérie, dira que cent personnes sont mortes
du fait des exactions de la police. Un chiffre en
dessous de la réalité. L’historien Jean-Luc Einaudi
dans son livre « La bataille de Paris » évoque en 1991
« plusieurs centaines de morts. »
« Au-delà du travail individuel que certains ont fait,
l’histoire du 17 octobre 1961 reste à écrire dans sa
globalité », témoignait Cherif Cherfi en septembre
2011 dans Bezons Infos. Certains disparus n’ont
jamais été retrouvés. Toutes les dépouilles n’ont pu être
identifiées. Lui-même, chargé de garder les plus petits,
était resté à Nanterre.
« Les gens étaient habillés
comme s’ils allaient à un mariage. Ils n’allaient pas
là-bas pour se battre, mais pour manifester
pacifiquement contre le couvre-feu et pour la dignité »,
se souvenait-il. Ses parents et ses oncles en étaient.
Un crime d’État
« Au pont de Neuilly, il y a déjà eu des morts et des
blessés graves. Les policiers ont ensuite empêché les
gens de retourner en arrière. Tous les ponts sur la
Seine étaient gardés. Les manifestants ont été pris
dans un étau policier toute la nuit. À Bezons et
Argenteuil, il y eut encore des corps jetés dans la
Seine »,
témoignait-il. En participant sur le pont, à la
commémoration du funeste 17 octobre 1961, les
Bezonnais honorent les victimes d’un crime d’État. »
Dominique Laurent
Bezons n’a pas attendu le cinquantenaire du 17 octobre 1961
pour déchirer la relégation dans l’oubli de l’un des épisodes les
plus meurtriers de la guerre d’Algérie. Les jeunes gens qui par-
ticipent chaque année sur le pont à la commémoration peinent
à imaginer que la Seine charriait des cadavres d’Algériens par
dizaines. Pourtant...
Le pont de Bezons témoin de la sanglante répression du 17 octobre 1961
Rendez-vous le samedi 17
octobre 2015 à 11 heures sur le
Pont de Bezons ( côté droit
direction Nanterre)